• ocre terres et couleurs
  • Association loi 1901 pour la promotion des ocres et des terres colorantes

  • nuances d'ocre

octobre 2009 - 400 kilos de peinture - 30 participants


L’abbaye de Reigny reprend des couleurs

« Une première mondiale à l’abbaye de Reigny » a titré le journal télévisé de France 3 Bourgogne du 17 octobre 2009. C’est en effet la première fois que l’association Terres et Couleurs prenait possession d’un monument historique privé, son action jusque-là ne s’étant exercée que sur des villes et villages.
Récit d’une journée particulièrement productive...

Choisir la peinture à l'ocre

L’association Terres et Couleurs s’emploie à promouvoir l’emploi de la peinture à l’ocre pour maintenir l’activité des carrières car « une carrière qui ferme c’est une couleur qui disparaît et qui est remplacée par une couleur synthétique » explique Félicien Carli, président de l’association et par ailleurs secrétaire de l’Union Régionale des Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (URCAUE). Les carrières d’extraction de l’ocre ont fermé après la Seconde Guerre mondiale avec l’apparition des peintures prêtes à l’emploi; trois régions seulement sont encore productrices : les Ardennes, la Provence et la Bourgogne qui fut, au XIXe siècle, la première région productrice au monde. En 1997, Terres et Couleurs a réalisé, avec le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), des analyses de toutes les terres colorantes commercialisées en France. Mal connue, la peinture à l’ocre possède des vertus insoupçonnées : c’est une peinture mate qui protège les bois en les laissant respirer : elle détruit les mousses, bloque les ultraviolets et rend les bois imputrescibles. Elle s’applique très facilement à l’aide d’une large brosse. Préfigurant les futures réglementations en matière de respect de l’environnement, c’est un produit naturel, sans aucune substance toxique et qui utilise des ressources locales. En Bourgogne, la carrière est située à Saint-Amand- en-Puisaye et propose de l’ocre jaune (qui calcinée devient rouge) et de l’hématite (pigment brun rouge). Après avoir réalisé une dizaine de chantiers en Côte-d’Or sur des villages comme Semur-en-Auxois, Châteauneuf ou Nolay avec la participation des habitants, c’est pour Terres et Couleurs une première intervention sur un monument privé.

Trois teintes ont été repérées : l’hématite, l’ocre rouge et l’ocre jaune. 300 kg de peinture ont été fabriqués à partir des terres colorantes.

C’est sur une proposition d’Isabelle Denis, conservateur régional des monuments historiques de Bourgogne, qu’a été organisée la journée « Couleurs Locales » à l’abbaye de Reigny, dans l’Yonne, le samedi 17 octobre. En concertation avec les propriétaires de l’abbaye, Louis-Marie et Béatrice Mauvais, le projet visait, grâce à l’application d’une peinture à l’ocre, à redonner au bâtiment ses couleurs médiévales. Sensibles à cette opération, des élus locaux ont, par leur présence, apporté leur soutien : l’ancien ministre, Jean-Pierre Soisson, député de l’Yonne et Jean-Marie Rolland, président du conseil général du département et député, venu assister à l’opération se déroulant dans son canton.

Repeindre un édifice classé en une journée

Samedi 17 octobre - 9 heures du matin. Une quarantaine de bénévoles – rassemblés par l’URCAUE, sous les bannières conjointes de l’association Terres et Couleurs et de celle des amis de l’abbaye de Reigny – écoutent, attentifs, les explications et les recommandations de Félicien Carli. Trois teintes ont été repérées, au préalable, grâce à des traces retrouvées sur d’anciennes portes : l’ocre jaune, l’ocre rouge et l’hématite. Le nuancier de ces trois couleurs a été validé par Olivier Curt, architecte des bâtiments de France de l’Yonne qui précise : « C’est le monument qui parle, nous ne sommes que des interprètes. » Seize chantiers ont pu être identifiés: portes du réfectoire, du cellier ou du colombier, lucarnes, portails extérieurs, serre... dont les teintes délavées donnaient un aspect un peu terne aux bâtiments. La fabrication de plus de 300 kg de peintures, grâce à une recette fort simple et peu coûteuse, la préparation des surfaces par brossage des bois, le remplacement des pièces manquantes puis l’application des deux couches de peinture : rien n’a échappé à l’énergie de quarante paires de bras enthousiastes. La pause déjeuner correspondant au temps de séchage de la première couche, l’après-midi est consacrée à l’application de la deuxième couche. 19 heures: le pinceau à la main et le sourire aux lèvres, ces artisans d’un jour sont heureux de voir qu’un changement si rapide s’est opéré sous leurs doigts habiles. En une journée, l’abbaye a retrouvé ses couleurs médiévales, prête à affronter les dix années qui viennent. Une journée qui s’est terminée autour d’une gigue de sanglier dans une ambiance fort conviviale !

Travailler ensemble sur un projet est un facteur de rassemblement et le déroulement d’une journée comme celle-ci illustre bien ce proverbe africain « Donnez leur [aux hommes] une tour à construire, vous en ferez des frères ».

Les chiffres du chantier

Pour 300 kg de peinture, soit 900 m2 environ.
Ingrédients : 190 litres d’eau, 16 kg de farine de blé ou de seigle, 60 kg de terre colorante, 6 kg de sulfate de fer, 24 litres d’huile de lin, 6 savons de Marseille râpés.
Coût de revient: 300 euros environ. Temps de séchage: 1 heure. Diluant : eau.

La Demeure Historique
12/2009
Florence Trubert

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